Écrire la lumière…
Nicole Hanot
Mise en ligne 27 mars 2013
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Présentation
Illustration de l'affiche de l'exposition - graphisme N. Hanot sur base de fichiers Commons.org1
Du 23 mars au 14 avril 2013, le musée Postes restantes a présenté dans la salle polyvalente de la Ferme castrale de Hermalle-sous-Huy l'exposition Le petit oiseau est sorti. La Photographie des origines à nos jours avec l'aide majeure d'un collectionneur wallon, Christian Van den Steen - professeur romaniste né le 14 avril 1943 - qui a rassemblé depuis plus de 30 ans - et rassemble toujours bien qu'il soit devenu non-voyant depuis pas mal d'années - des documents et appareils de photographie anciens ; une passion née de la trouvaille d'une photo dédicacée de la chanteuse française de café-concert Yvette Guilbert (1865-1944).
Cette recherche incessante de quelqu'un qui ne voit plus sur un sujet qu'on aborde toujours par la vue a suscité curiosité… et réflexion : pourquoi un musée traitant de l'écriture ne pourrait-il aborder la photographie qui se définit étymologiquement par « écrire la lumière » - d'autant que d'autres liens (ténus, nous l'avouons) relient photographie et Poste… comme la carte postale, par exemple.
L'aboutissement en fut la présentation de documents rares, et généralement inconnus des jeunes générations, remis en prêt par divers collectionneurs, et cet article, résumé illustré des multiples recherches que nous avons effectuées.
Définition
La photographie est définie par le Centre national des ressources nationales et technicales français comme l'« ensemble des techniques permettant d'obtenir des images permanentes grâce à un dispositif optique produisant une image réelle sur une surface photosensible ».
Le terme n'a pas surgi dès l'origine du procédé inventé par Niépce en 1826, mais des années plus tard sous les plumes indépendantes de l'inventeur franco-brésilien Hercule Florence (en 1833) et de l'astronome britannique John Herschel (en 1839) qui l'ont construit en associant les mots grecs phôtos (lumière) et graphein (écriture). Concurrencé par les appellations française « héliographie » (du grec helios, soleil) et anglaise « photogenic » (décrivant les dessins photogéniques de Fox Talbot), il s'est imposé dans les années 1850 pour désigner à la fois l'activité même de photographier et ses produits : les photographies.
L'invention de la photographie découle
- du désir quasi éternel de l'homme de se représenter et de représenter la nature le plus exactement possible,
- de la volonté de reproduire cette représentation en multiples exemplaires,
- de l'optique qui a transformé la chambre obscure connue depuis l'Antiquité en dispositif de prise de vue,
- de la chimie par la découverte de matériaux sensibles à la lumière.
Pour ce qui est du désir d'une représentation exacte, toute l'histoire des arts graphiques, de l'âge préhistorique au XIXe siècle, en est le témoin2.
Pour ce qui est du désir de reproduction, les copistes de l'Antiquité et du Moyen Âge comme la naissance de l'imprimerie en attestent.
Pour la chambre noire dont le concept remonte à Aristote (384-322 av. J.-C.) et qui a été étudiée par, notamment, le physicien perse Alhazen (connu sous le nom de Ibn al-Haytham) et Léonard de Vinci, elle a été dotée d'une lentille dès 1568 par le vénitien Daniele Barbaro. Elle a aidé dès la Renaissance, comme plus tard la chambre claire (inventée en 1806), de nombreux dessinateurs et peintres à établir la base de leurs oeuvres.
Pour la chimie, si les tout premiers photographes ont oeuvré empiriquement, utilisant sel de cuisine, miel, vinaigre, tabac, etc., ils ont rapidement utilisé les abondantes découvertes des chimistes de la fin du XVIIIe et du XIXe siècle pour améliorer leurs procédés. Le négatif au collodion humide, par exemple, n'aurait pas existé sans la découverte du collodion par Louis-Nicolas Ménard…
Principe de la chambre noire :
L'image inversée latéralement et de haut en bas d'un sujet (objet - comme la bougie dans l'illustration de gauche -,
personnage ou décor) extérieur à la chambre obscure se forme sur l'écran (le fond de la chambre obscure)
car celui-ci reçoit en ligne droite chacun des rayons lumineux émis par le sujet,
ces rayons ne pouvant entrer dans la chambre obscure que par un seul point :
le trou minuscule percé dans la paroi opposée à l'écran.
En plaçant un miroir en oblique devant l'écran, l'image se reflète, réinversée, sur la paroi supérieure de la chambre (illustration de droite). Crédit d'images : à gauche Alex Spade, à droite Stigmj.
Artiste établissant la base de son travail à l'aide d'une chambre obscure, circa 1850.
Crédit d'image : Ellin Beltz.
Avant la photographie
La miniature
Issue du travail du calligraphe médiéval qui utilisait du miniator (oxyde de plomb donnant le rouge orangé pour les lettrines des manuscrits) et de celui des enlumineurs qui suivent, la miniature devient un art indépendant du livre vers 1520 et se pratique sur vélin ; au XVIIe siècle le support peut être tôle de cuivre, porcelaine, papier, pierre ou même ardoise, verre et marbre, la matière couvrante étant de l’aquarelle ou de la gouache.
La feuille d’ivoire commence à être utilisée vers 1700 par la vénitienne Rosalba Carriera mais c’est le suédois Pierre Adolphe Hall qui l’impose en France à partir de 1766.
Anonyme, Miniature sur ivoire présentée dans l'exposition.
Portrait de Napoléon François Charles Joseph Bonaparte (1811-1832), titré roi de Rome à sa naissance, empereur sous le nom de Napoléon II du 4 au 6 avril 1814 et du 22 juin au 7 juillet 1815, duc de Reichstadt jusqu'à son décès, surnommé l'Aiglon par Victor Hugo après sa mort.
En 1810, Jean-Baptiste Isabey (qui a été maitre de cérémonie du sacre de Napoléon Ier en 1804) utilise le papier, isolé du métal sur lequel il l’applique par une couche de couleur à l'huile pour éviter la corrosion.
La miniature constitue jusqu’à l’arrivée de la photographie le seul moyen de transmettre un visage à distance – que ce soit pour présenter le visage de futurs époux qui ne se connaissent pas encore, ou pour garder le souvenir de membres éloignés de la famille et de personnes disparues.
Le peintre miniaturiste est donc fort apprécié mais cette profession va disparaitre au milieu du XIXe siècle suite à la concurrence et au succès du daguerréotype - que les photographes ont souvent colorié, lui donnant ainsi l’aspect traditionnel du portrait miniature.
La silhouette
Si l’ « art de l’ombre » remonte à l’Antiquité, le terme silhouette n’apparait qu’au XVIIIe siècle et découlerait de l’impopularité d’un contrôleur général des finances français, Étienne de Silhouette, qui entreprit de grandes réformes mais sans les terminer : « à la silhouette » serait devenu d’autant plus synonyme de « d'une façon incomplète, éphémère » que M. de Silhouette fut connu pour aimer dessiner les profils en ombre chinoise de ses invités sur les murs de son château de Bry-sur-Marne.
Les portraits donc dits « à la silhouette » sont apparus à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle ; passe-temps pour les uns, métier pour les autres, ils ont existé en Europe comme dans les pays anglo-saxons où cet art acquit une très grande réputation auprès des familles royales et princières, des membres de l'aristocratie, des célébrités (Voltaire, Mozart, etc.) ou des grand bourgeois.
Ce portrait constitue habituellement le profil de la tête de quelqu’un, mais peut aussi représenter le profil d’un personnage en pied, ou même la silhouette de quelqu’un de face comme l’a fait Hans Christian Andersen – on parle dans ce cas de contre-silhouette. Il existe aussi des scènes familiales et des scènes de conversation.
La technique peut être la découpe d’un papier ou la peinture sur papier blanc (à l’encre de Chine), sur ivoire ou sur verre. Les silhouettes peuvent être coloriées ou soulignées d'or.
L’artiste peut se fier à son propre regard ou utiliser l’« ombre chinoise » en suivant le tracé de l'ombre portée du sujet sur une surface claire grâce à une source de lumière (la bougie le plus souvent) ; il peut aussi utiliser une camera obscura, ou un pantographe – ce qui va amener la création du physionotrace.
Au XIXe siècle, l'essor de ce type de portrait découle aussi de l’engouement pour la physiognomonie, censée donner un aperçu du caractère ou de la personnalité de quelqu’un par l'observation de son apparence physique et principalement des traits de son visage, dont les adeptes les plus connus furent le criminologue et professeur de médecine légale italien Cesare Lombroso et le théologien suisse Johann Kaspar Lavater.
Anonyme. Portrait à la silhouette, « Gand, 21 novembre 1857 » - présent dans l'exposition.
Le physionotrace
Date d’invention : 1784
Inventeur : Gilles-Louis Chrétien (1754-1811), violoncelliste français de la Chapelle du Roi
Le terme s'applique tant au procédé et à l'appareil qu'au portrait obtenu.
Le physionotrace, premier système créé pour produire des versions multiples d’un portrait, est un instrument mécanique « par le secours duquel on fait un portrait, suivant une grandeur donnée, de profil ou de trois-quarts, en trois ou quatre minutes, sans sçavoir dessiner » comme l'affirme une publicité parue le 18 février 1785 dans le Journal de L’Orléanois.
Schéma de l'appareil établi par Queneday. Œuvre tombée dans le domaine public.
L’instrument se base sur le principe d’homothétie3 utilisé par le pantographe, inventé en 1603 par l’astronome allemand Christoph Scheiner. Sorte de double pantographe muni d'un oeilleton de visée, il permet d'exécuter avec précision les grands traits d'un profil ; le dessin réduit et parachevé est ensuite gravé et imprimé en autant d'exemplaires qu'on le désire.
De 1785 à 1789, Gilles-Louis Chrétien s'associe avec le peintre miniaturiste Edme Quenedey des Riceys ; en quatre ans, ils vont produire un millier de portraits de personnalités généralement célèbres de la société française de l'époque de la Révolution (comme la famille royale et les Conventionnels : Bailly, Marat, Pétion ou Robespierre par exemple). Ils travaillent ensuite séparément.
Les physionotraces constituent une excellente source de renseignements sur les vêtements et coiffures de cette époque tant en Europe qu’aux États-Unis où un émigré français, Charles Balthazar Julien Fevret de Saint-Memin, en répand l’usage à partir de 1793, s'adressant aux nobles et aux bourgeois aisés.
L’idée émise par un employé de l'administration pénitentiaire, en 1819, d’utiliser un physionotrace pour avoir le portrait des perturbateurs de la société n’est pas réalisée mais elle porte le germe de l’identification photographique systématique des malfaiteurs qui commence dès 1872 à Paris – sans pour autant donner un résultat probant car les moyens de classement dérisoires ne vont pas permettre la comparaison des 60 000 photographies de la police judiciaire à la centaine d’hommes arrêtés chaque jour à Paris…
Profil de femme. « Dess. au Physionotrace et gravé par Quenedey,
rue Neuve de Petits Champs n° 15 à Paris », entre 1800 et 1809 - présent dans l'exposition.
La lithographie
Date d’invention : 1796
Inventeur : Aloys Senefelder, dramaturge allemand.
Le terme s'applique tant au procédé qu'à l'épreuve obtenue.
Il s'agit de l'impression à plat d’un tracé exécuté à l’encre ou au crayon sur une pierre calcaire avec possibilité de reproduction en de multiples exemplaires.4
• Tracer directement sur la pierre avec des crayons lithographiques, ou de l'encre lithographique appliquée à la plume ou au pinceau et qu’on peut étendre à la manière du lavis (dilution de l’encre pour obtenir différentes intensités de couleur). Certaines parties du dessin peuvent être grattées. Le report d'un dessin par un calque ou un « papier report » peut être utilisé.
• Placer la pierre sur la presse lithographique humidifiée ; la pierre calcaire, poreuse, retient l'eau là où il n’y a pas de tracé.
• Étaler une encre grasse avec un rouleau ; cette encre hydrophobe n’adhère pas sur les parties humides mais bien sur les tracés.
• Poser le papier sur la pierre et passer sous presse.
L’impression en couleur oblige à dessiner le motif sur des pierres différentes en fonction de sa couleur et effectuer autant que nécessaire l’impression de la même feuille en repérant très exactement le positionnement de la feuille sur les pierres successives – une réelle difficulté car le papier humidifié tend à changer de dimension. Un procédé différent n’utilise qu’une seule pierre, re-préparée et redessinée pour chaque couleur, ce qui ne permet pas de nouveau tirage, la pierre ayant été modifiée pour chaque couleur successive.
La lithographie a fort été utilisée dans le domaine artistique mais le nombre de tirages est limité.
On note particulièrement la production d’affiches à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ; nombre d’artistes pratiquent toujours cette technique au XXIe siècle.
À partir de Niépce
Héliographie - Physautotype - Physiotype
Joseph Nicéphore Niépce (1765-1833) est connu comme l'auteur de la première photo d'après nature réalisée en 1826 avec un temps de pose d'une dizaine d'heures qui explique pourquoi les bâtiments photographiés, tant à gauche qu'à droite, sont éclairés par le soleil :
Point de vue du Gras – Reproduction de la 1ère photographie subsistante (1826)
réalisée depuis la fenêtre de la maison de Nicéphore Niépce à Saint-Loup-de-Varennes - crédit d'image : Ed g2s
Cette vue, prise à l'aide d'une chambre noire et d'une plaque d'étain (16,2 × 20,2 cm) recouverte de bitume de Judée, constitue l'aboutissement de recherches commencées en 1816 et la naissance de la photographie.
« Un vernis de bitume de Judée et d'essence de lavande est appliqué, au moyen d'un tampon, sur une plaque d'étain ou d'argent, puis exposé pendant huit heures au foyer d'une chambre noire. Après ce temps, la plaque est soumise dans l'obscurité à un dissolvant composé de neuf parties de pétrole contre une partie d'essence de lavande. Le vernis non modiûé par la lumière est dissous, et celui qui l'a été par elle ne l'est pas : c'est précisément cette partie qui représente les clairs ; l'image est donc directe. Il fallait huit heures pour obtenir un résultat, à cause du peu de sensibilité du bitume, et celte lenteur d'action avait un grave inconvénient, à cause du changement d'éclairage qu'éprouvait le modèle dans ce laps de temps. Quoi qu'il en soit, N. Niépce copia un portrait gravé du pape Pie VII, et reproduisit des paysages. En outre, il constata qu'en versant un liquide acide convenable sur la plaque d'étain ou d'argent, le métal mis à nu était corrodé, tandis que l'image représentée par du bitume modifié ne l'étant pas, on pouvait se servir de la plaque comme d'une planche gravée à l'eau-forte. »
Extrait des observations présentées à ce sujet par M. Chevreul à l'Académie des sciences de Paris5
Le fait que l'image se produise par exposition au soleil et qu'elle puisse être imprimée fait que Niépce a donné le nom d'héliographie à son procédé.
Copie d’une gravure du XVIIe siècle flamand d'un homme conduisant un cheval.
Reproduction de l'une des deux premières épreuves connues de Niépce par héliographie (1825).
Imprimée à partir d'une plaque de cuivre recouverte d’une couche photosensible
à base de bitume de Judée qui a été gravée après exposition à la lumière solaire. Crédit d'image : Sémhur
Par l'intermédiaire de l'ingénieur-opticien Vincent Jacques Louis Chevalier, Niépce rencontre le décorateur Daguerre et tous deux vont cahin-caha, et dans le cadre d'un contrat, se communiquer le résultat de leurs découvertes. De leurs travaux naissent le physautotype, où le bitume de Judée a été remplacé par un résidu d'huile de pétrole, et le physiotype où un résidu d'essence de lavande constitue la couche photosensible.6
Le succès public de la photographie ne débutera qu'en 1839, six ans après la mort de Niépce.
Daguerréotype
Date d’invention : 1837
Inventeur : Louis Jacques Mandé Daguerre, peintre et décorateur français, considéré comme l'un des inventeurs de la photographie.
Le Diorama a déjà fait connaitre Daguerre. Ce spectacle, conçu avec son associé Charles Marie Boulon en 1822, est basé sur la peinture en trompe-l'œil, de façon très réaliste grâce à l’utilisation d’une chambre noire, de très grandes toiles translucides, de 22 mètres sur 14 ; leur éclairage variant, elles donnent au spectateur une illusion de réalité qui capte toute son attention.
Daguerre réussit à produire dans l’appareil une image directement positive (sans aucun négatif) et latéralement inversée, sur une surface métallique (généralement en cuivre) couverte d’argent et polie comme un miroir, exposée directement à la lumière.
La plaque est préalablement sensibilisée à la lumière par une exposition à des vapeurs d'iode qui, en se combinant à l'argent, produisent de l'iodure d'argent photosensible. Lorsqu'elle est ensuite exposée à la lumière pendant vingt à trente minutes, elle enregistre une image invisible dite « image latente ». Pour développer l’image, le photographe expose ensuite la plaque au-dessus d'un récipient de mercure chauffé à 75 °C ; la vapeur du mercure se condense sur la plaque et se combine à l'iodure d'argent en formant un amalgame uniquement aux endroits où la lumière a agi et proportionnellement à l'intensité de cette action. À ce stade, on pourrait faire disparaitre l'image en faisant évaporer le mercure par chauffage de la plaque. Pour rendre l’image permanente, le photographe doit plonger la plaque dans une solution d'hyposulfite de soude (appelé aussi thiosulfate de sodium), dont l'action a été découverte en 1819 par John Frederick William Herschel.
L'image produite par cette méthode est si fragile qu'elle ne supporte pas la plus légère manipulation, et doit être protégée contre tout contact. Posée sur un fond de velours ou de peluche de couleur foncée pour permettre la visibilité de l’image, la plaque est protégée par un verre scellé.
Selon l'angle de vue et la couleur de la surface réfléchie sur elle, l'image peut varier du positif au négatif.
La présentation d'un même daguerréotype colorié (présent dans l'exposition)
sous une inclinaison différente permet de constater la variation de l'image.
Le 9 Janvier 1839, le procédé du daguerréotype est officiellement présenté à l'Académie des sciences française par l'astronome et physicien François Arago. Le gouvernement français acquiert les droits de l’inventeur, en contrepartie d'une pension à vie, et l’État proclame le 19 aout le « don au monde » du procédé devenant ainsi libre pour le monde entier, sans savoir que Daguerre a fait secrètement déposer un brevet en Angleterre, 5 jours auparavant (le 14 aout 1839).
En Grande-Bretagne, Miles Berry en 1841 puis Richard Beard vont acheter les droits, et Beard va vendre des licences à travers le pays - entre autres à Antoine Claudet, photographe français opérant à Londres et dont des daguerréotypes sont conservés à la Boston Public Library et… dans la présente exposition.
Écrin d'un daguerréotype d'Antoine Claudet - présent dans l'exposition.
Quant à la conservation du daguerréotype : Très fragile, la surface argentée pouvant être altérée juste par le léger toucher d’un doigt, le daguerréotype se conserve pourtant indéfiniment dans des cadres avec verre de protection, ou dans des écrins, ou encore dans des boitiers thermoplastiques protecteurs pourvu que tous soient correctement scellés car l’air peut oxyder et ternir la plaque, lui donnant alors une teinte bleutée et d’abord sur le pourtour l’image.
Daguerréotype réalisé par le photographe belge Alphonse Plumier,
dans un écrin recouvert extérieurement de cuir vert - présent dans l'exposition.
La matière du boitier thermoplastique, de 1855 à 1865, résultait de la pression d’un mélange de fibres de bois et de gomme-laque dans un moule en acier – beaucoup furent produits aux U.S.A. d’où leur appellation générique « Union Case ».
Pour protéger les daguerréotypes, il vaut mieux ne pas les exposer directement à la lumière solaire et, surtout, les garder à l'abri des températures extrêmes. Il est généralement préférable de les stocker côté en verre vers le bas ou sur le côté.
Quant à l'usage : Enregistrant et affichant l’image de façon permanente, le daguerréotype constitue le premier procédé photographique utilisé commercialement. L’effet « magique » de la lumière, qui frappe la plaque d'argent polie et révèle une image qui peut paraitre fantomatique et éthérée même en étant parfaitement nette, frappe et séduit les gens (aujourd’hui encore).
Les premiers daguerréotypes furent des natures mortes car le sujet de la photo devait être très ensoleillé et nécessitait généralement une dizaine de minutes de pose. Le plus ancien connu est une vue du boulevard du Temple à Paris par Daguerre en 1838 : la voirie semble déserte parce que les chariots tirés par des chevaux se déplaçant n’ont laissé aucune impression, mais un cireur de chaussures et son client y sont visibles, car ils sont restés en position assez longtemps pour que leurs images soient enregistrées.
Le daguerréotype du Boulevard du Temple - crédit d'animation : Costello.
Deux modifications du procédé permettent de réduire le temps d'exposition et de produire des portraits commerciaux : pose de lentilles d'un diamètre supérieur à l’appareil photographique en 1841, et modification du processus chimique mais le temps de pose du sujet reste assez long. Le photographe propose donc une position assise, les coudes reposant sur un support (accoudoir ou table) et certains sièges disposent d’un appuie-tête pour éviter tout mouvement. Par conséquent, le rendu donne généralement, et surtout pour les plus anciens daguerréotypes, une impression de raideur du sujet. Le temps de pose va ensuite être réduit à moins d’une minute par les recherches des frères viennois Natterer et du nord-américain John Adams Whipple.
Dès 1841, de nombreux ateliers de portraits ouvrent leurs portes à Paris – comme celui des frères Plumier, pionniers belges de la photographie : lire notre article Notice sur les frères Alphonse et Victor Plumier – dans le quartier du Palais-Royal et aux derniers étages des immeubles, voire dans des verrières construites sur les toits pour bénéficier d’un maximum d’ensoleillement ; ils sont pourvus d’un cabinet de toilette où les clients mettent une dernière touche à leur tenue et coiffure.
Dès le début et jusqu’aux années 1850, vu le cout de l’épreuve, la clientèle est essentiellement issue de la bourgeoisie et particulièrement des « nouveaux riches », dirigeants de la société industrielle généralement issus de la classe pauvre mais qui, par leur ingéniosité, ont atteint la fortune, formant une nouvelle bourgeoisie ; le daguerréotype devient un témoin de leur ascension sociale et remplace les galeries de tableaux peints courants dans l’ancienne classe bourgeoise. Le décor proposé par les ateliers de daguerréotypie se prête à leur niveau de vie : drapé des rideaux et tentures, richesse du mobilier, présence de symboles culturels comme livres et instruments de musique. Les écrins, les cadres sont généralement luxueux et l’image, centrée, peut être mise en valeur par des dorures, des dessins, des calligraphies.
Ensemble de daguerréotypes présentés dans l'exposition.
Le temps de pose ne rebute pas ces clients qui ne ressentent pas le besoin éprouvé par les scientifiques et les professionnels de la photographie de le voir constamment réduit. Pour exemple, les frères Plumier comptent de 4 à 20 francs le daguerréotype selon le travail effectué (il peut être noir ou colorié par exemple) et la présentation alors qu’un ouvrier travaillant de 13 à 15 heures par jour gagne à peine 2,50 francs, l’ouvrière n’étant payée qu’1,50.
Étiquette apposée au dos des daguerréotypes.
Les ateliers photographiques constituent aussi des centres de recherche, les premiers photographes s’y retrouvant pour décrire et échanger leurs expériences ; c’est ainsi, par exemple, que le procédé de virage à l’or (bain dans du chlorure d’or) qui améliore le détail et la finesse de la photo d’Hippolyte Fizeau est rapidement adopté par ses confrères.
La photographie de paysage les intéresse mais ils ne peuvent, au départ, que photographier de leur fenêtre car leur matériel est trop encombrant. Celui-ci se modifiant, ils vont pouvoir peu à peu photographier l’espace urbain : grandes places et monuments importants d’abord, endroits typiques ensuite.
Sur commande d’éditeurs ou pour leur propre compte, certains photographes publient leurs photos sur papier sous forme de copies de daguerréotypes en gravures ou lithographies.
L’exposition universelle de Paris en 1844 présente une section avec de très nombreux daguerréotypes ; celle de Londres, sept ans plus tard, en comptera nettement moins, les autres techniques photographiant sur papier éclipsant le procédé de Daguerre.
Le daguerréotype garde pourtant encore son prestige, aidé par la stéréoscopie dont il est le support jusqu’en 1855.
Le daguerréotype est abandonné pour diverses raisons :
- Charge de travail importante, donc cout élevé ;
- Impossibilité de reproduire la photo alors que d’autres nouveaux procédés le permettent ;
- Risque de maladie professionnelle : les vapeurs toxiques issues du processus de chauffage inévitablement inhalées par le photographe ont provoqué de graves problèmes de santé ou même la mort par empoisonnement au mercure.
La période de production la plus importante va de 1840 à 1855. Bien que le daguerréotype soit largement abandonné dans les années 1860, certains rares photographes ont continué à utiliser le procédé. Il connait une renaissance mineure à la fin du XXe siècle (moins de 100 pratiquants au monde). Ces dernières années, des artistes tels que Christopher Brenton Ouest, Jerry Spagnoli, Adam Fuss et Chuck Close l’ont introduit dans le monde de l’art.
Le succès du daguerréotype a pour conséquence la disparition des peintres miniaturistes dont les portraits sont remplacés par des daguerréotypes encadrés de la même façon.
Hommages : Le nom de Louis Daguerre est inscrit sur la tour Eiffel. Un cratère lunaire porte le nom de Daguerre depuis 1935.
Cote : en mai 2010, un daguerréotype de 1839 signé par Daguerre a été vendu aux enchères à Vienne pour 732 000 €.
Anonyme, daguerréotype colorié d'une enfant dans un boitier thermoplastic - présent dans l'exposition.
Stéréoscopie
Date d’invention : 1838
Inventeur : Charles Wheatstone, physicien anglais.
Le but de la stéréoscopie est la production de relief à partir de deux images planes grâce à un dispositif optique.
Charles Wheatstone est le premier à prendre en considération le fait que le cerveau, recevant une image place de chaque oeil, les combine en une seule qui donne la perception du relief pour tenter de rendre ce relief perceptible à partir d'un appareil qu'il construit avec deux miroirs à 90°, chacun renvoyant le regard vers deux dessins différents.
Principe du stéréoscope de Wheatstone - Crédit d'image : Magnus Manske
Le scientifique et inventeur écossais David Brewster, également inventeur en 1816 du kaléidoscope (tube de miroirs réfléchissant à l'infini et en couleurs la lumière extérieure) remplace les miroirs par des lentilles et son stéréoscope est constitué d'une boite en bois (parfois marqueté) munie de deux oculaires, d'un système de mise au point et d'un verre dépoli.
Un appareil de Brewster dans une vitrine de l'exposition, une petite visionneuse (à droite)
et des plaques de vues touristiques.
Oliver Wendell Holmes, écrivain, médecin, essayiste et poète américain, crée vers 1860 - alors que l’observation des cartes stéréoscopiques connait un grand succès - un appareil plus léger, transportable, avec deux lentilles prismatiques, une visière, un support en bois où l'on glisse la carte stéréo et un manche pour le tenir en main. Son stéréoscope, parfois et sans aucune raison appelé « stéréoscope mexicain », va être librement fabriqué pendant une centaine d'années car Holmes n'a jamais déposé de brevet.
À gauche : Illustration du Saturday Evening Post, 14 janvier, 1922 - Crédit d'image : Aaron Walden.
À droite : stéréoscope de Holmes avec plaque de photos d'une bénédiction - présent dans l'exposition.
Les plaques stéréoscopiques sont d'abord constituées de photographies sur plaques de verre, puis de photos sur papier collées côte à côte sur un carton ; leur conservation est de très longue durée pour autant qu'elles soient manipulées avec soin et conservées à l’abri de l’humidité.
Le commerce va évidemment s'emparer de ce nouveau créneau et produire des séries de plaques touristiques - la Suisse mettant en évidence ses montagne, l'Italie ses monuments, l'Allemagne ses châteaux haut perchés sur les flancs du Rhin, etc. mais nombre de particuliers réalisent eux-mêmes leurs photos stéréoscopiques - notamment, à partir des années 1900, avec des appareils photographiques à deux objectifs.
Le stéréoscope jouit d'un véritable engouement au XIXe siècle et survit sous des formes diverses au XXe où il devient parfois un meuble permettant de charger jusqu'à 50 plaques et d'en changer sans pour autant quitter les oculaires puis, dans les années 1950 à 70, soit un boitier avec éclairage incorporé soit une visionneuse en plastique très bon marché qui va devenir obsolète avec l’arrivée des jeux vidéos et d’internet.
Stéréoscope de table présent de l'exposition.
Visionneuses plastique (à droite de maque View Master) et « plaques » à défilement vertical ou par rotation.
Les plaques de la photo de droite racontent Les Malheurs de Sophie de la comtesse de Ségur
et une aventure de Boule et Bill de Roba - objets présents dans l'exposition.
Certains artisans réalisent toujours pour une clientèle particulière des appareils possédant quatre lentilles, lentille de champ, éclairage à tube fluorescent, à lampes halogènes ou à diodes électroluminescentes blanches.
L'industrie propose aussi des stéréoscopes pour l’examen professionnel de vues aériennes.
Visionneuse stéréoscopique professionnelle contemporaine - Crédit d'image : Magnus Manske.
Au-dessus : plaque commerciale « Pleine lune » (carte produite par M.C.White & Co en 1905
d’après celle réalisée par T.W.Ingersoll en 1897 avec des photographies du Prof. Rutherford
Au-dessous : plaque réalisée par L.P.T. Dubois de Nehaut, circa 1860, les Bains à Chaufdontaine
- présents dans l'exposition.
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représente un type de photographe amateur des années 1850, dont le travail illustre certains des progrès les plus marquants sur les plans technique et esthétique. Juge à Lille, il a quitté la magistrature et s’est installé à Bruxelles en 1851, poursuivant son intérêt pour la photographie.
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Photogramme (primitivement appelé « dessin photogénique »)
Date d’invention : circa 1835
Inventeur : William Henry Fox Talbot, mathématicien, physicien et philologue.
Talbot obtient une image photographique sans utilisation d’un appareil, en plaçant un objet sur une surface photosensible (papier sensibilisé ou film) que l’on expose simplement à la lumière avant de la fixer par un processus chimique.
Dessin photogénique par Talbot, circa 1839 - Crédit d'image : Eisenacher
Le photogramme a été utilisé comme illustration : le livre British Algae. Cyanotype Impressions de Anna Atkins, dont la première partie parait en 1841, constitue le premier livre illustré par photographie.
De nombreux photographes et artistes, comme Man Ray ou Pablo Picasso, dont réalisé des photogrammes au XXe siècle.
Calotype ou talbotype – sur papier salé
Date d’invention : 1841 (brevet)
Inventeur : William Henry Fox Talbot, scientifique britannique (mathématicien, physicien et philologue).
En 1835, William Henry Fox Talbot, déjà capable d'obtenir une image en exposant à la lumière un objet posé sur un papier enduit de chlorure d'argent et en fixant l'image obtenue avec un sel de potassium, parvient en utilisant une chambre obscure à créer le 1er négatif sur papie. Il délaisse ses recherches photographiques pour se consacrer à l'optique, les mathématiques, etc. jusqu'à ce qu'il apprenne les résultats obtenus par Daguerre. Bien qu'il n'arrive pas à faire admettre l'antériorité de ses travaux sur le daguerréotype, il reprend ses recherches pour aboutir au calotype, un négatif papier direct qui donne la possibilité de reproduire des images positives par simple tirage contact et déposer un brevet en France en 1841 où la production des calotypes sera par conséquent fort réduite et où on les appelle parfois et indûment des « daguerréotypes sur papier ».
À gauche : un négatif, à droite un positif - présents à l'exposition.
Étapes du procédé qui connait plusieurs brevets pour les améliorations successives :
- Enduire une feuille de papier à lettres glacé d'une solution de nitrate d'argent.
- Lorsqu’elle est sèche, la plonger dans une solution d'iodure de potassium ce qui provoque la formation d’iodure d'argent.
- Laver la feuille à l'eau et la faire sécher avant stockage à l'abri de la lumière.
- Au moment de faire la photo, enduire la feuille d'un mélange d'acide gallique et de nitrate d'argent, que Talbot appelait « gallo-nitrate d'argent ».
- La placer sèche ou encore humide dans la chambre noire. La durée de l'exposition varie de quelques secondes à quelques minutes, suivant.
- Après l'exposition qui va de quelques secondes à quelques minutes selon l'éclairage et la couleur du sujet photographié, développer l’image dans du gallo-nitrate d'argent,
- Fixer avec une solution chaude d'hyposulfite de soude,
- Laver à l'eau, sécher et cirer : on a obtenu un négatif papier grisâtre ou brun foncé.
- Pour obtenir le positif : Mouiller une feuille de papier d’une solution de sel de cuisine,
- La faire légèrement sécher avant de l’enduire d'une solution de nitrate d’argent.
- Après un nouveau séchage, une seconde couche de nitrate d'argent augmente sa sensibilité.
- Travail final : Appliquer le négatif papier sur le support positif dans un châssis-presse qui les maintient en contact, les exposer à la lumière, négatif dessus, jusqu'à ce que l'image positive se forme (le chlorure d’argent se transforme en argent).
- Virage : tremper l'épreuve dans une solution à base de sels d’or pour obtenir une tonalité plus agréable, puis
- Fixer le positif avec de l'hyposulfite de soude, comme on l’a fait pour le négatif.
Ces images, fort fragiles, ont tendance à disparaitre et d'abord dans les parties claires, là où l’argent est présent en faible quantité. La fragilité est liée à l’oxydation de l’argent qui peut découler de la médiocrité du traitement chimique (bain de fixateur usagé, lavage insuffisant), de la pollution atmosphérique ou de la mauvaise qualité des matériaux en contact (boites, carton des albums)
L'ouvrage Pencil of Nature où il relate ses expérience constitue la première tentative « d'imprimerie photographique » d'un livre en série illustré avec des photographies ; il parait de juin 1844 à avril 1846 en six livraisons ; 286 exemplaires de la première livraison sont vendus, mais le nombre diminue jusqu'en 1846 à cause de la mauvaise conservation des images et du prix élevé du livre.
Globalement, il faut retenir que le procédé de Talbot présentait l'avantage sur celui de Daguerre de permettre plusieurs tirages de positifs (le daguerréotype ne pouvant être dupliqué) mais le résultat n'était pas aussi bon car la fibre du papier était visible sur les tirages obtenus, donnant une image légèrement granuleuse ou floue - ce qui va amener des recherches sur le traitement du papier lui-même. À noter aussi que les termes négatif et positif» sont dus à John Herschel.
Papier salé
Le papier salé est la version positive du calotype et doit son nom à la préparation du papier qui servira de positif : il est d'abord plongé dans une solution de sel de cuisine avant d'être enduit d'une solution de nitrate d’argent qui va le rendre sensible à la lumière ; cette manière de procéder permet la fixation chimique des grains d'argent dans les fibres du papier.
La photographie sur papier salé est fréquemment coloriée ou entièrement peinte.
Photographies sur papier salé peintes - présentes dans l'exposition.
Le coloriage de l'épreuve photographique se pratique dès le daguerréotype, lui donnant plus de vie en atténuant l'aspect froid et même glacé du noir et blanc. Il rapproche aussi la photographie du tableau peint que beaucoup ne pouvaient s'offrir.
Le coloriage manuel va se pratiquer régulièrement jusque dans la seconde moitié du XXe siècle, permettant aussi la reproduction « en couleur » d'une photo noir et blanc.
Agrandissement colorié daté 1956 et signé F. Michiels (photographe actif à Bruxelles)
d'une petite photo noir et blanc du mariage de Herta Santantonio et Virgile Hanot en 1948
présent dans l'exposition.
Cyanotypes
Date d’invention : 1842
Inventeur : John Frederick William Herschel, astronome anglais – Anna Atkins, botaniste britannique, pour l’utilisation en photographie.
John Frederick William Herschel invente un négatif monochrome, qui donne un tirage photographique bleu de Prusse, bleu cyan, qui lui sert à réaliser des copies de plans techniques détaillés imprimés en bleu (dits blueprint).
C’est Anna Atkins qui l’utilise pour la première fois, en photographie, en réalisant des photogrammes d’algues pour illustrer son ouvrage British Algae. Cyanotype Impressions dont la première partie parait en 1841 et qui constitue le premier livre illustré par photographie.
Le procédé est simple et peut couteux : on enduit un support (papier, toile, surface non-poreuse recouverte de gélatine) d’un mélange de citrate d'ammonium ferrique et de ferricyanure de potassium en couche homogène et on le laisse sécher dans l’obscurité avant de placer sur la partie enduite un objet, une illustration, un négatif, et d’exposer le tout aux rayons UV (ultra-violets) en le plaçant ou soleil ou, à l’époque contemporaine, dans une machine. Le support, après apparition de l’image, est ensuite lavé et séché. La coloration en bleu dse produit lors du séchage, les sels ferriques réduits par la lumière en sels ferreux donnant le pigment bleu.
Le cyanotype se conserve bien sauf dans un environnement basique qui peut faire pâlir l’image mais ce type d'épreuve possède la propriété de pouvoir se régénérer : l’image pâlie peut retrouver sa tonalité d’origine si on l’entrepose dans un endroit obscur.
On trouve sur internet, de nos jours, de nombreux sites qui expliquent le procédé de fabrication ce qui indique qu’il reste en usage.
Portrait de Sarah Bernhardt par Nadar (crédit d'image : G.dallorto)
et version en cyanotype (présente dans l'exposition).
Négatifs sur verre à l’albumine
Date d’invention : 1847
Inventeur : Abel Niépce de Saint-Victor, militaire, chimiste et photographe, neveu de Joseph Nicéphore Niépce.
Abel Niépce de Saint-Victor, qui a repris les travaux de son oncle et cherche a les améliorer, a l'idée de fixer les sels photosensibles sur une plaque de verre grâce au blanc d'oeuf, ou plus précisément à l'albumine qu'il contient et qui possède des propriétés coagulantes.
Le blanc d’œuf soigneusement séparé du jaune, additionné d'iodure de potassium et d'un petit peu de sel de cuisine est battu en neige très ferme et laissé à reposer pendant 12 heures ; le liquide qui se dépose au fond du récipient est l'albumine photographique qu'on applique sur des plaques de verres parfaitement nettoyées. Après séchage d'une douzaine d'heures, on sensibilise très rapidement les plaques dans un bain de nitrate d'argent et de vinaigre (acide acétique), puis on les rince et les laisse sécher à l'abri de la lumière.
Les plaques se conservent environ 15 jours et demandent une exposition de quelques minutes après lesquelles elles sont développées avec une solution d'acide gallique, lavées, fixées avec une solution de thiosulfate, relavées, séchées donnant des positifs d'une grande finesse, très doux avec peu de contraste qui conviennent particulièrement pour les photos de paysages et monuments.
Usage : Le procédé initial va connaitre des améliorations grâce aux recherches incessantes de son inventeur et ouvrir la voie au procédé du collodion humide grâce auquel Victor Plumier réalisera une célèbre photo d’Abel Niépce de Saint-Victor.
Abel Niépce de Saint-Victor par le liégeois Victor Plumier.
Papier albuminé
Date d’invention : 1850
Inventeur : Louis Désiré Blanquart-Evrard, chimiste et imprimeur-photographe.
Louis Désiré Blanquart-Evrard utilise, comme Abel Niépce de Saint-Victor, le blanc d'oeuf comme liant aux grains d'argent mais pour le papier du positif. Les photographes peuvent préparer eux-mêmes leur papier suivant son procédé ou l'acheter pré-enduit auprès de firmes spécialisées ; ils doivent encore, dans ce dernier cas, le sensibiliser au nitrate d'argent.
Ce papier très fin est contrecollé sur carton et présente un aspect brillant, donnant de meilleurs contrastes que le papier salé mais jaunissant assez vite à la lumière, ce qui oblige généralement les opérateurs à effectuer un virage à l'or ou au platine8 pour assurer sa stabilité.
Le papier albuminé est couramment utilisé jusqu'aux années 1885 ; il va être remplacé par des papiers gélatino-argentiques peu avant 1914.
Nota bene : En 1851, Blanquart-Evrard crée, avec Hippolyte Fockedey, l’« Imprimerie photographique » à Loos-lez-Lille où il va utiliser un procédé de son invention qui permet la multiplication des photographies, contribuant ainsi à la vulgarisation de ce nouveau média. Dans les années 1850, il publie le travail de nombreux artistes tels que Hippolyte Bayard, Charles Marville et Henri Le Secq.
Alphonse Plumier assure le dépôt général des photographies de l'Imprimerie photographique en Belgique de 1854 à 1856.
Albumine peinte et vernie, portrait de deux jeunes femmes en pied - présente dans l'exposition.
Deux albumines d'Armand Dandoy présentes dans l'exposition :
un officier belge et Philippine de (Zualart ?) née de Ponty.
Ce peintre paysagiste belge suit les cours de Ferdinand Marinus à l'Académie des Beaux-arts de Namur. Ami intime de Félicien Rops, invité régulièrement au château de Thozée, il est membre de la Colonie d'Anseremme. Au cours du XXe siècle, parce que la Belgique naissante se cherche un patrimoine représentatif de la nation, il reçoit commande des autorités pour photographier monuments et objets pour les provinces de Namur et de Luxembourg. En 1876, il obtient l'autorisation de photographier en exclusivité la Grotte de Han, effectuant une série de 15 photographies sur plaques de verre de 30 x 40 cm. Il est le fondateur de l'Association belge de photographie .
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Négatif sur verre au collodion humide
Date d’invention : 1850-1851
Inventeur : Gustave Le Gray selon ses dires - 1851 : Frederick Scott Archer, orfèvre et sculpteur britannique qui utilisait les calotypes comme aide de travail, par sa description écrite.
Théophile-Jules Pelouze, chimiste français, a découvert en 1838, la nitrocellulose ou nitrate de cellulose qui est un produit chimique (explosif) dérivé de la cellulose (glucide, principal constituant des végétaux et en particulier de la paroi de leurs cellules).
Le chimiste et poète français Louis Ménard découvre, en 1846, le collodion, composé de nitrocellulose dissous dans un mélange d'éther et d'alcool et conservée sous forme liquide (dans un récipient fermé) ou sous forme de film une fois le solvant évaporé. Le collodion se présente comme un vernis séchant rapidement et laissant derrière lui une feuille transparente et souple (assez semblable en texture et apparence à de la cellophane)
Frederick Scott Archer dépose en 1851 un brevet pour le procédé de sensibilisation d'une plaque de verre au collodion humide :
On la couvre d’une dissolution de nitrate de cellulose dans un mélange d'alcool et d'éther ; lorsque le mélange commence à se figer, la plaque est plongée dans un bain de nitrate d'argent, les sels de la pellicule étant alors transformés en halogénure d'argent sensible à la lumière. En chambre noire (éclairée par une lumière rouge), la plaque égouttée est placée dans un châssis étanche à la lumière qu’on utilise dans la chambre photographique pour la prise de vue avec un temps de pose réduit. Le développement de la plaque suit immédiatement en chambre noire avec de l'acide gallique ou du sulfate de fer, la fixation étant réalisée avec du thiosulfate de sodium ou du cyanure de potassium. Le négatif présente alors une coloration allant du caramel au brun foncé. Il se raye aisément et des craquelures peuvent surgir sur ses bords.
Négatif au collodion humide, circa 1860 - présent dans l'exposition.
Le collodion humide est vite adopté par de très nombreux photographes - notamment pour la réalisation d’ambrotypes - et remplace le négatif verre à l'albumine car il présente l'avantage de réduire le temps de pose à quelques secondes. L'inconvénient, par contre, réside dans l'obligation de développer la plaque directement après l'insolation ce qui va amener la création du collodion sec, donnant plus de temps pour le développement mais qui sera moins populaire.
L'usage du collodion humide perdure au-delà de 1880 à l'inverse du collodion sec moins populaire.
Ce procédé, qui va permettre au photographe britannique Eadweard Muybridge de prendre en 1878 des photos d’un cheval au galop, démontrant ainsi que les jambes du cheval se décollent du sol pendant le galop – ce que contestaient les scientifiques - a été utilisé en photographie jusqu'aux années 1990 et en photogravure jusque dans la 2e moitié du XXe siècle. La célèbre photographe américaine Sally Mann l’utilise pour sa série de photos What Remains en 2003.
Négatif sur papier ciré
Date d’invention : 1851 (avril)
Inventeur : Gustave Le Gray, photographe français.
Gustave Le Gray trouve par hasard le moyen d'améliorer le papier qui doit servir de négatif… avec de la cire d'abeille qui bouche les pores du papier.
Le procédé se fait, dit-on, en deux étapes : 1/ plonger la feuille dans de la cire maintenue liquide à l'aide d'un bain-marie. 2/ enlever l'excès de cire en repassant la feuille entre plusieurs feuilles de papier buvard. L'excès de cire est transféré dans ces feuilles, et le cirage du futur négatif est homogène. La réalité est plus complexe : la feuille de papier, imprégnée de cire fondue, est immergée dans une solution d'iodure et de bromure de potassium, et ensuite sensibilisée avec une solution de nitrate d'argent et d'acide acétique. Après insolation, Elle doit être développée après l'insolation avec une solution d'acide gallique et de nitrate d'argent et fixée avec du thiosulfate de sodium.
Le temps de fixation est réduit de 50 % mais le temps de pose, lui, est assez long. La conservation se fait sans problème pour autant qu'on manipule prudemment les papiers pour éviter les déchirures, traces de pliures, etc. La cire peut éventuellement s'oxyder.
Ce procédé résout le problème de la qualité du papier (préférentiellement du papier de chiffons et non de bois) qui pouvait être très différente d’une production à l’autre ; il présente aussi le grand avantage de pouvoir créer des négatifs à l’avance avec un délai d'utilisation qui va jusqu’à une quinzaine de jours, ce qui est particulièrement appréciable pour les photos réalisées au cours de voyages. Et bien des voyageurs vont utiliser ce type de papier : Maxime Du Camp, tour à tour romancier, poète, journaliste ... et photographe dans ses voyages en Orient, Aimé Civiale pour ses photos topographiques dans les Pyrénées et dans les Alpes, Roger Felton lors de son séjour en Russie, etc., et Le Gray lui-même lors de la Mission héliographique.
Certains photographes contemporains ont étudié cette technique et réalisent encore des photos à partir de ce procédé.
Jean-Louis-Henri Le Secq Destournelles, détail de la cathédrale de Reims,
d’après négatif au papier ciré – 1851 dans le cadre de la Mission héliographique – présent dans l'exposition.
Ambrotypes ou amphitypes (ou encore « collodions positifs » en Angleterre)
Date d’invention : 1853-1854 (date de brevet)
Inventeur : James Ambrose Cutting, photographe américain
L'ambrotype est un négatif sur verre au collodion humide mais sous-exposé à la prise de vue (de 5 à 60 secondes ou plus, en fonction de la quantité de lumière disponible) et blanchi chimiquement au développement. L'image négative apparait en positif lorsqu’elle est posée sur un fond noir. Raison pour laquelle la face arrière, vierge d’image, est recouverte d’un vernis noir.
L’ambrotype ne se ternit normalement pas, mais le vernis noir de la face arrière du verre souvent se dessèche, se fissure puis se détache ; on peut placer un morceau de velours noir derrière l'image pour y remédier. Si l’émulsion s’est assombrie teintant l’image de brun ou gris du pourtour vers le centre, on ne peut rien faire. Comme le daguerréotype, l’ambrotype se présente et se conserve encadré avec verre de protection ou serti dans un écrin et constitue une image unique non reproductible.
Très utilisé pour les portraits et les paysages, l'ambrotype est souvent colorié ; de toute façon il donne moins de contraste et de brillance que le daguerréotype. Bien moins cher à la production, il est apprécié du public et sa popularité dépasse celle du daguerréotype au milieu des années 1850.
Il est détrôné par le moins couteux ferrotype vers 1865.
La période de production la plus importante va de 1855 à 1865 mais certains photographes en ont continué la fabrication. On note de nos jours le nom du Français Vincent Martin.
Ambrotype colorié (chaine de montre) sous passepartout avec filet doré et encadré
présent dans l'exposition.
Panotype
Date d’invention : 1853-54
Inventeur :
Le procédé consiste en un transfert sur toile cirée du collodion humide d'un ambrotype.
On en a très peu produit - entre 1853 et 1880 seulement - car le transfert sur toile constituait une opération délicate et que le résultat était de qualité moindre que l’ambrotype classique ou même qu’un tirage sur papier. Le panotype n’a apparemment pas eu de succès commercial.
Lavédrine propose de 1853 à 1880 comme période d’utilisation, mais un descendant de Désiré Lebel (1809-1874) affirme que son aïeul a réalisé en panotype la photo d'un détail de la Cathédrale d'Amiens avant sa rénovation qui s’est déroulée en 1844-1848 pour le détail en question9, la photo étant conservée au Musée d'Orsay qui la date de… 1851-1854.
« Photo de Joseph Oversacq fait le 28 septembre 1862 à l’âge de 17 ans 6 mois 24 jours
à Bruxelles par Théophile Loutre-Sel photographe place de la chapelle n° 11 » - présent dans l'exposition.
Théophile Loutre-Sel, peintre et photographe français (1829 (Merville - France) / avant 23/06/1893)
fut actif à Bruxelles d'abord rue Blaes,2 (de 1858 à 1862), puis place de la Chapelle, 11 (de 1862 à 1885)
et enfin rue Coenraets,70 à Saint-Gilles (du 3/7/1878 au 4/11/1880).
Les médailles reçues en 1845 et 1850 et placardée au dos de ses photographies de cabinet
lui ont été attribuées pour ses peintures et non pour ses photos
Ferrotypes (d’abord appelés melaïnotypes) ou tintype en anglais
Date d’invention : 1853
Inventeur : Adolphe-Alexandre Martin, professeur de physique parisien qui fut membre de la Société française de photographie de 55 à 96.
Le procédé est semblable à celui de l’ambrotype mais utilise comme support, à la place d’une plaque de verre, une mince plaque de fer-blanc obscurcie par de la laque, une peinture ou un vernis foncé et couverte d’une émulsion au collodion. L’image en négatif, fortement sous-exposée, sur le fond sombre de la plaque métallique donne pour résultat au développement l’apparition d’une image positive.
Image unique comme le daguerréotype et l’ambrotype, le ferrotype se conserve longuement sauf dans un milieu trop humide.
Il a ferrotype a peu à peu supplanté l’ambrotype grâce au faible cout des matériaux et à la rapidité d’exécution – le temps d’exposition est plus court et aucun séchage n’est nécessaire ; il convient particulièrement aux portraits. Très populaire aux États-Unis, où il fut utilisé notamment par les photographes de rue et où sa période de production la plus importante va de 1855 à 1950, il y renait au XXIe siècle avec les deux photographes américains Michael Schindler et Joni Sternbach.
À gauche, recto et verso d'un ferrotype daté novembre 1887.
À droite, ferrotype colorié (joues rosies) d'un jeune adolescent
présents dans l'exposition.
Ferrotype d'un enfant en culotte courte tenant devant lui un panneau représentant le cavalier Bufallo faisant franchir un obstacle à son cheval et « tête dans le trou »10 - présent dans l'exposition.
Formats « carte de visite » et « cartes de cabinet »
Date d'invention ddu format « carte de visite » : 1851 et 1854 (brevet)
Inventeur : Louis Dodéro en 1851, André-Adolphe-Eugène Disdéri en 1854 par le brevet qu'il dépose.
Un article du journal La Lumière de 1851 fait état de ce que le photographe marseillais Louis Dodéro envisage la production de petites photographies pour servir de cartes de visite et illustrer des documents d'identité.
En 1854, André-Adolphe-Eugène Disdéri, qui a exercé divers métiers, dépose le brevet du portrait-carte, bon marché et reproductible. Avec l'invention, en 1859 d'un nouvel appareil à quatre objectifs qui permet de réaliser huit clichés sur la même plaque, il peut lancer un développement commercial à grande échelle.
Le portait-carte étant d'un format semblable à celui de la carte de visite (qui a fait son apparition dans l'étiquette sociale au XVIIIe siècle) va prendre son nom, s'échanger comme elle entre amis ou visteurs, et être collectionné en albums. La « cartomanie » envahit l'Europe et l'Amérique.
Cette « carte de visite » est généralement une épreuve à l'albumine, dont une photo sur un papier fin encollé sur un carton, mais d'autres procédés vont ultérieurement être utilisés comme celui au charbon qui donne les « photographies inaltérables ». Les photographes indiquent parfois leur raison sociale au bas ou au verso de l'image.
Au verso : mention manuscrite « von Erp Général baron » et dessin imprimé avec au centre une chambre noire sur pied et l'appellation « Fotographia » dans un cartouche |
Mention manuscrite au verso «Bne d'Erp». Nom du photographe au recto et logo Fratelli D'Alessandri avec adresse à Rome au verso |
Mention imprimée à sec au recto : « Atelier Elvira Köln a/Rhein Hohestr 79 par terre [sic] » avec couronne. |
Vitrine de cartes de visites produites à 90 % par des photographes belges
de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie.
Ce format est abandonné à la fin des années 1880 devant l'engouement pour les cartes dites « de cabinet » dont la production pour la photo de paysage a commencé en 1866. La différence fondamentale réside dans la plus grande taille de la carte de cabinet qui, posée sur une étagère, un secrétaire, un cabinet (d'où son nom), etc. , se voit de loin et dans l'utilisation du verso… pour la publicité du photographe.
De 1880 à 1990, la carte de cabinet connait sa crête de popularité ; elle est produite jusque dans les années 1922 où son déclin découle de la réalisation de clichés effectués par les particuliers eux-mêmes.
Objet à la mode, elle en subit les influences, ce qui permet sa datation - à quelques années près - en fonction
- du type de papier ( 1866-1880: carré et montage léger, 1880-1890: carré, papier épais, carte lourde, 1890: bords festonnés),
- des angles droits ou arrondis,
- du type de décor (1866-1880 : règles or ou rouges ou lignes simples et doubles, 1884-1885: larges bords or, 1885-1892: bords or biseautés, etc.),
- du type de caractères utilisés pour la mention de la firme (1866-1879 : nom du photographe et adresse souvent imprimés en petit et juste en dessous de l'image, et / ou nom du studio en petit imprimé au verso, années 1880 : grand texte fleuri pour le nom du photographe et l'adresse, surtout dans le style cursif - le nom du studio occupe souvent l'ensemble du verso de la carte, années 1890: nom du studio en relief ou d'autres motifs en relief, etc.)
Deux cartes de cabinet par Nadar :
à gauche Edmond de Goncourt, à droite : Alphonse Daudet - présentes dans l'exposition.
Vitrine de cartes de cabinet produites à 90 % par des photographes belges de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie.
Épreuve positive à la gomme bichromatée et épreuve au charbon
Date d’invention : 1855
Inventeur : Louis-Alphonse Poitevin, ingénieur chimiste et photographe français.
Alphonse Poitevin constate que mélangée à un bichromate alcalin la gomme arabique présente une propriété photosensible utilisable pour l'épreuve sur papier.
La feuille de papier est enduite d'une couche de gomme arabique au bichromate de potassium et de pigments qui se dispersent dans la couche. Séchée et mise en contact avec le négatif, elle est exposée au soleil, les parties touchées par la lumière emprisonnant le pigment. Après l'insolation, on la plonge dans un bain d'eau froide. La qualité du tirage dépend de celle des pigments.
D'autre part, en incorporant du noir de carbone à une solution tiède de gélatine et de bichromate de potassium, Poitevion obtient un autre type de papier positif que, séché, on insole par contact derrière un négatif ; le lavage qui suit se pratique à l'eau tiède. Le procédé au charbon donne des images très stables, dites inaltérables.
Photographie inaltérable au charbon, Géruzet Frères, Belgique - présente dans l'exposition.
Le fils de Jean Baptiste Laurent Géruzet et de Marie Madeleine Sophie Biémont s'est installé à Bruxelles dès 1842 comme libraire. Il a pour voisin le photographe Ghemar, un des meilleurs de Bruxelles, avec lequel il aurait eu un différent tel qu'il décida d'aller à Anvers apprendre la photo. À son retour il ouvre un atelier contigu à celui de Ghemar, au 27bis puis au 35 rue de l'écuyer, près du Théâtre royal de la Monnaie. Très vite Géruzet devient célèbre à Bruxelles et le photographe obligé pour les portraits de la bourgeoisie. Une renommée qui se poursuit lorsque ses fils Albert et Alfred lui succèdent et que l'atelier devient « Geruzet Frères » et intègre le studio de… Ghemar.
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Oléotypie et oléobromie
Date d'invention : 1855 (description)
Inventeur : Alphonse Poitevin
Décrit par Alphonse Poitevin, l'oléotypie est un tirage à l'huile sur un papier gélatiné, basé sur le principe connu en lithographie du rejet des matières grasses par une surface gorgée d'eau. Il est mis en pratique par G.E.H. Rawlins en 1904 et décrit dans décrit dans des livres en 1906 et 1907, année où apparait un autre procédé, l'oléobromie (dit bromoil en anglais) qui utilise non plus un papier gélatiné mais un tirage baryté préalablement blanchi et tanné chimiquement.
Avec un papier à la gélatine bichromatée insolé sous un négatif, lavé puis encré au pinceau, l'image obtenue est unique. Mais par le procédé du report à l'huile, où on effectue sur un papier de qualité un transfert des encres de l'épreuve avant séchage, l'image ayant perdu toute trace d'émulsion photosensible peut être imprimée en plusieurs exemplaires. Dans les deux cas, les épreuves sont stables par l'emploi d'encres inaltérables.
L'oléobromie supplante l'oléotypie parce que celle-ci oblige à travailler par temps lumineux (on ne sait pas encore produire des ultra-violets), que les plaques de verre sont de plus en plus remplacées par le film et que le format des négatifs, réduit, rend préférable l'agrandissement plutôt que le tirage par contact.
Ces procédés à l'huile sont adoptés par les pictorialistes qui en apprécient la douceur et le rendu proche de la peinture.
Le Belge Léonard Misonne devient le maitre de l'oléobromie.
Paysage de Léonard Misonne - Crédit d'image : Pimbrils
Gustave Marissiaux est considéré, avec Misonne, comme le plus important photographe d'art de l'époque.
Portrait de jeune femme par Gustave Marissiaux, rue des Carmes, Liège - présent dans l'exposition.
Jeune femme épluchant des légumes par Gustave Marissiaux - photo présente dans l'exposition.
Ce fils d'un architecte français et de la fille d'un commerçant sérésien opte pour la nationalité belge en 1894, année où il devient membre de l'Association belge de photographie où sa maitrise de la photographie est directement remarquée. Dès l'année suivante, il obtient un premier prix au premier concours auquel il participe. En 1899, il abandonne sa profession d'architecte pour ouvrir un studio de photographe-portraitiste à Liège, rue des Carmes ; il obtient le Grand Prix d'Honneur à l'Exposition internationale de Roubaix. De 1903 (où il reçoit une médaille d'or à l'Exposition internationale de Turin) à 1922, il présente des spectacles sous forme de projections de vues prises pendant ses voyages accompagnées de lectures poétiques et de musique.
Ses photos, ses recherches, ses compositions artistiques, ses écrits sur l'art et la photographie en font un des maitres du pictorialisme et de la photographie belge et un photographe internationalement connu.
« C'est qu'il y a dans l'art autre chose que la représentation de la nature, qui n'est qu'un moyen pour amener l'éveil de l'émotion et de l'idée esthétique. L'artiste a fait œuvre d'art, s'il a su pénétrer au-delà de la beauté primordiale qui se révèle dans la pureté des formes et l'harmonie des proportions, s'il a exprimé, en les confondant, la vérité matérielle et la beauté absolue. Ce qui fait le charme de son œuvre, c'est qu'il ajoute à la caractéristique du sujet son idée propre, son âme même. C'est cette âme qui vibre, c'est elle qui nous attire, c'est elle qui nous émeut » a-t-écrit dans le Bulletin de l’Association belge de photographie en 1898.
Quelques deux mille plaques négatives, trois cent cinquante diapositives et des autochromes qui n'ont échappé à la destruction lors d'un entreposage à Bruxelles que le refus d'un manutentionnaire d'opérer le travail, ont fini par être confiés au musée de la photographie de Charleroi.
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Collotypie ou phototypie ou photocollographie ou encore albertypie
Date d’invention : 1856
Inventeur : Louis-Alphonse Poitevin, ingénieur chimiste et photographe français.
Une plaque de verre ou de métal est uniformément couverte d'un mélange de gélatine et autres colloïdes jusqu'à durcissement du mélange ; on ajoute alors une couche de gélatine bichromatée, sensibilisée avant de sécher à un peu plus de 50° C. Un lavage à environ 16° C, provoque une fragmentation microscopique de la couche de gélatine ; cette réticulation très fine de la gélatine va jouer le rôle de la trame.
On expose à la lumière ou aux UV le négatif appliqué contre la surface de la gélatine. La plaque insolée est ensuite lavée et longuement séchée. Avant d'imprimer, on passe sur la plaque un mélange d’eau et de glycérine, puis on éponge le surplus : l’eau va rester dans les parties de l’image qui sont exposées, et non sur les parties sombres et l'encre grasse étalée au rouleau ne va pas adhérer aux endroits humides. Il suffit alors de presser une feuille de papier sur la plaque qui permet d'obtenir 500 tirages maximum.
Le procédé - qui constitue un tirage de photo au départ - étant amélioré vers 1870 par Joseph Albert, on l’a parfois appelé albertypie.
En 1867, le chimiste Cyprien Tessié du Motay (1818-1880) et le peintre-verrier Charles-Raphaël Maréchal développent le principe et conçoivent un système d’impression qui permet de produire un grand nombre d’exemplaires. Tessié l’appelle « phototypie » ce que va contester, en 1948, l’imprimeur lyonnais Marius Audin, le suffixe « typie » ne devant être utilisée que lorsqu’il y a usage de « types », c-à-d. de caractères d’imprimerie ; Audin propose l’appellation « photocollographie » mais personne ne l’utilise. En français, collotypie s’applique au tirage photographique, phototypie à l’impression en grand nombre.
Ces épreuves de photographies non tramées sont d’une grande finesse et conviennent aussi pour l’impression de luxe.
La phototypie a été utilisée (surtout pour les cartes postales) jusque dans les années 1930, l’impression offset l’a remplacée.
Photoglyptie ou Woodburytype
Date d’invention : 1864
Inventeur : Walter Bentley Woodbury, inventeur et photographe britannique, un des premiers à photographier en Australie et aux Indes orientales néerlandaises (actuelle Indonésie).
Il s'agit d'un procédé opto-mécanique de reproduction d'images photographiques :
Une pellicule de gélatine contenant du chrome est exposée sous un négatif photographique, qui durcit en proportion de la quantité de lumière. Le développement se fait à l'eau chaude pour enlever toute la gélatine non exposée. Après séchage, on la place sous presse avec une feuille de plomb et il en résulte une surface avec relief, comparable à la taille-douce, que l'on utilise comme un moule, en le remplissant de gélatine pigmentée et sur laquelle le support papier est pressé. Cette impression donne des tons chauds et une profondeur perceptible dans la netteté des champs.
En Grande-Bretagne, entre 1870 et 1900, la plupart des images (dont les cartes de visites) ont été imprimées selon ce procédé. En France, l'impression par photoglyptie ne parvint pas à supplanter la phototypie.
À droite, la mythique photo du poète Charles Baudelaire par Étienne Carjat.
À gauche, celle de l'architecte Eugène Viollet-le-Duc par Nadar - présentes dans l'exposition.
Autres photos de l'exposition
Vitrine d'épreuves artistiques (dont deux inédites de Mata-Hari)
du photographe belge Massot
Des visiteurs passionnément attentifs
En haut à gauche : 9 photos du Belge Hubert Grooteclaes
À droite, deux portraits du Belge Marc Trivier : les comédiens Nathalie Cornet dans le rôle de Berenice Abbott et Jean Dautremay dans celui d'Eugène Atget dans la pièce Atget et Bérénice de Michèle Fabien, mise en scène de Marc Liebens à l'Ensemble Théâtral Mobile.
Deux positifs sur verre à suspendre devant une source lumineuse
Appareils anciens et matériel de photographe (en bas à droite : des chassis-presse)
Deux photos (127 cm x 28 cm chacune) de René Lonthie, photographe belge :
ce banquet du centenaire de la SA d'Ougrée-Marihaye (ancêtre d'Arcelor-Mittal)
en 1939 a rassemblé plus de 2 000 personnes (dont deux femmes)
Vue d'ensemble de l'exposition.
Notes et références
1 http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alcedo_atthis_-water_-splash-8.jpg et http://commons.wikimedia.org/wiki/File:%E2%84%96_3A_Folding_Pocket_Kodak.jpg.
2 Lire André Vigneau, Une brève histoire de l'art. De Niepce à nos jours, Robert Laffont, Paris, 1963.
3 Définition du CNRTL : « Propriété de deux figures dont chaque point de l'une correspond à un point de l'autre sur des droites menées à partir d'un point fixe appelé centre d'homothétie, la distance entre ces points correspondants étant constante. »
4 Ne pas confondre avec la lithogravure où le dessin est gravé (creusé au burin) dans la pierre.
5 Claude Marie François Niépce de Saint-Victor et Michel Eugène Chevreul, préface biographique et notes d'Ernest Lacan, Recherches photographiques. Photographie sur verre. Héliochromie. Gravure héliographique. Notes et procédés divers, Alexis Gaudin et frère, Paris, 1855, p. XVII et XVIII de la préface.
6 Source : http://www.niepce-daguerre.com/physautotype-physiotipe.html
7 Maria Morris Hambourg, The Waking Dream. Photograph's First Century, Metropolitan Museum of Art, 1993, p. 72, 289 et 290.
Dr. Guillery, Compte rendu raisonné de l'assainissement du champ de bataille de Sedan et de la partie de la Meuse qui le traverse, E. Guyot, Bruxelles, 1871, p. 19-20 et 52.
8 Louis Fizeau, dès 1840, a utilisé ce traiement chimique avec du chlorure d'or pour ses daguerréotypes mais le terme « virage » vient de Louis Adolphe Humbert de Mollard en 1850.
9 http://www.collection-appareils.fr/phpBB3/viewtopic.php?f=33&;;t=8452
10 Nous n'avons pas réussi à découvrir l'appellation exacte de ce type de panneau courant dans les foires et qui s'utilise encore aujourd'hui dans des attractions touristiques. Si vous le connaissez, nous vous remercions de nous en faire part.
Commentaires des visiteurs de l’exposition « Le petit oiseau est sorti. La photographie des origines à nous jours » du 23 mars au 14 avril 2013 :
Très belle exposition. Amène des souvenirs d’enfance.
Georges Jonville, 24 mars
Très intéressante exposition, très étonné des nombreux procédés jalonnant la progression de la photographie.
Marc Theblaath, 24 mars
Belle exposition, bien documentée, présentation originale
Patrice Erion, groupe d’étude et de recherche Les compagnons des remparts, 24 mars
Très intéressant et instructif.
Très belle expo très intéressante. Merci pour cette superbe visite.
3TQ Art Athénée de Welkenraedt, 26 mars
Très belle exposition bien intéressante. Bravo
Andrée Lotaire, 30 mars
Pas mal.
Mannoy A, 30 mars
Très belle expo, surtout aussi grâce aux nombreuses explications ! Merci !
Jean-Michel et Thérèse Scheen, 30 mars
Superbe exposition
Eddy de Sclessin, 31 mars
Bonne initiative…
Félicitations pour une belle initiative, bien documentée et très intéressante
Excellente idée ! Nous avons beaucoup aimé. Grand merci
Des Liégeois, 31 mars
C’est un merveilleux concept, super enrichissant ! À refaire sans hésiter !
Victoria Gilles, 31 mars
Très bien, c’est super, on en apprend des choses en venant ici. C’est impressionnant. Merci
Fanny Boulanger, 31 mars.
Quelle belle initiative. La photographie est véritablement une traversée et une capture du temps. Grâce à elle, celui-ci a enfin une mémoire. Merci de nous le rappeler.
Alain Gérard Krupa,
Directeur du Secteur des Musées et des Expositions de la Province, 31 mars
Une belle plongée dans le temps qui nous permet de mieux comprendre que, bien avant les appareils contemporains, la photographie était à la fois un art complexe et une technique difficile, bien loin du numérique ultra-rapide d’aujourd’hui.
Bravo aux organisateurs
Famille Meilleur, Comblain-au-Pont, 6 avril
Remarquable rétrospective » des documents rarissimes et de très haute qualité… Un grand merci pour cette magnifique découverte. Nous n’avons pas inventé grand-chose depuis la fin du XIXe siècle !
Avec mes plus cordiales salutations,
Pascal Gérard, Cambrai, 6 avril
L’exposition très intéressante. Merci pour cette découverte et toutes vos explications passionnantes !
Joanne
Merci,
Emma 7 ans, 7 avril
Hallucinante expo, d’une grande qualité artistique, mise en vitrine remarquable !
Serge Golifman, 7 avril
Enfin ! un daguerréotype vu en direct, et non une photo de daguerréotype… Un beau voyage dans le monde de la prise de vue, de la recherche…de la saisie du réel donnant lieu à tant de résultats irréels…
Lorsque la magie du « bricolage » enchante !
P.S. La photo « 2D » prend ici tout son relief !
Jean-Luc, Hermalle-sous-Huy, 7 avril
…Plein les yeux ! (merci pour ça Nicole !)
Anouk Brouyère, Hermalle-sous-Huy, 7 avril
Félicitations pour cette remarquable et fascinante plongée de le temps.
Henri Massillon, Waremme, 7 avril
Un beau voyage dans le temps. Gageons que d’autres perpétueront l’histoire.
Jean-Marie Étienne , 13 avril
Félicitations pour avoir réuni tous ces témoignages photographiques de façon magnifique.
André Hérion, Charleroi, 13 avril
Félicitations pour cette « page d’histoire » et merci pour les explications ; tout ça mériterait plus de publicité car cela pourrait intéresser un grand public.
AF. Cops, Jemeppes, 13 avril
Zeer de moeite waard ; deze mensen doen heel veel moeite de historie te bewaren. Proficiaat
L. Walschot, T. Smit, Zichen, Riemst, 14 april
Très belle rétrospective.
Très belle exposition, émouvante, bien expliquée, merci.
Très belle exposition avec une très riche collection à garder précieusement (surtout les photos de Nadar et Atget)
Emma, étudiante en histoire de l’art, Liège, 14 avril
Très belle expo, riche en documents d’époque.
Très belle exposition et très intéressant.
http://photographiquementvotre.e-monsite.com, Mocquet Michel, 14 avril
Merci pour cette visite, pour votre temps et votre engagement, et votre sympathie.
Très belle exposition ! C’était très bien expliqué. Merci.
Charlotte, 14 avril
Merci pour la visite documentée. On a apprécié votre implication dans l’exposé et son côté pédagogique !
Éloïse, Stéphane et Jérôme, 14 avril
Un tout grand merci pour cette mine d’or.