Christian Otte
Le peintre de l'homme, des vaches et des pommes
Nicole Hanot
Mise en ligne 01/08/2004
Né le 30 septembre 1943 à Theux (Wallonie), ce Maitre du dessin, professeur au niveau supérieur de l'Académie des Beaux-Arts de Liège, habitue d'abord son public à la rigueur, la puissance de son trait qui, comme le scalpel, incise le blanc du papier. Avec le dessin, pas de tricherie, pas d'artifice ; il faut rendre, dans toutes leurs vérités anatomiques, la vie des hommes et des choses.
Otte refuse l'effet gratuit, frappe dur et juste. Il affirme :
Le dessin est le premier des langages.
Alors que les premières gesticulations expressives de l'enfant sont perdues à jamais dans l'espace, leurs premières traces de doigt sur la buée des vitres, dans le sable sont vécues comme un moment magique, comme une première et dérisoire victoire contre le temps, une trace de leurs sentiments dans la matière. A la maternelle, le dessin est roi (…) hélas le couperet tombe dès l'entrée en primaire (…)
Mon rôle consiste à aider [mes élèves] à retrouver la confiance en leur propre langage pour que puisse se rétablir la connexion entre eux-mêmes et la trace de leurs gestes, pour que leur dessins redeviennent porteurs de leurs sentiments.
C'est donc surtout à une école de l'attention, de la curiosité que je les invite.
C'est l'attention, l'approfondissement des choses qui, entre autres, différencie les hommes. Entre la bêtise, l'intelligence, le talent, le génie, il n'y a qu'une différence d'attention, de volonté de comprendre (…)
(Extrait de la revue Mar a berto)
Otte « entre en peinture » tardivement, poussé par une impérieuse nécessité.
Ce graphiste talentueux pour qui toute beauté est d'abord vérité mène littéralement combat avec la couleur qui lui était étrangère et atteint la maturité d'un peintre maitrisant son métier tant sur le plan de la forme que sur celui des thèmes puisés dans la vie de tous les jours : cauchemars, scènes de nuit dans les bistrots, foule ou gens solitaires.
Mais…
Longtemps ma peinture a exprimé mon rapport en distorsion avec l'être humain, cette créature autant haïssable qu'admirable, repoussante qu'attirante, effroyable qu'adorable, dans ses comportements et aspirations. Depuis deux ans, 1996 je me suis lassé de l'homme et de sa représentation alors que naissait en moi une tendresse pour l'animal vache. Y ai-je pressenti une métaphore d'une large frange de l'humanité ? (…) Serait-ce ce qu'est devenu mon regard d'enfant après cinquante années parmi les hommes ?
La vache donne tout, on lui prend tout, elle est pacifique à en mourir – son regard révèle une infinie tristesse, une profonde nostalgie d'un paradis perdu, de l'époque lointaine, quand, gazelle, elle courait dans les herbages aux larges horizons, avant le temps des hommes.
En 1997, Le Musée de la Gourmandise accueille une première fois Christian Otte à la Ferme castrale avec « Les Vaches ou le Paradis perdu », dans le cadre de Couleurs en Val mosan.
En vingt-et-un panneaux sagement alignés, nous passons en revue des vaches, rien que des vaches, en marche ou au repos, solitaires ou en troupeau, broutant ou s'abreuvant, meuglant ou abîmées dans le silence de la contemplation, et notre cœur se serre en les voyant finalement pendues en sanglantes portions au crochet du chevilleur.
(Jacques Henrard, critique, dans le quotidien belge Vers l'Avenir).
Après la vache, … et avant de retrouver l'homme trois ans plus tard, c'est la pomme qui interpelle le peintre !
Non pas la pomme du chenet, ni celle d'arrosoir, ni les pomme-cannelle, pomme de pin, de terre, d'amour ou de discorde, ni même la pomme d'Adam… ou celle d'Ève, pauvre pomme chargée de tous les péchés du monde alors que le fruit défendu au paradis terrestre semble plutôt avoir été la figue !
Non.
Simplement ce délicieux fruit du pommier, d'autant plus savoureux lorsqu'il est cueilli à la dérobée, qu'il soit « pomme à couteau » - à consommer cru ou cuit - ou « pomme à cidre » - à transformer en nectar…
Quant à savoir ce que la pomme représente pour Christian Otte… Il fallait visiter le Musée de la Gourmandise qui a exposé pour la seconde fois les toiles d'un artiste sensible, généreux et combien talentueux que Jacques Stiennon, professeur émérite à l'Université de Liège place (dans son analyse Les arts plastiques) dans la longue lignée des artistes wallons et parmi les membres de la « jeune génération » des Belges, avec Joëlle Calembert, Yves Bage, Philippe Beaugnet, Richard Martin, Bernard Lorge, Alain Denis, Michel Moffarts, « porteurs d'espoir grâce à leur pouvoir d'invention, de suggestion. »
L'exposition Pom Pomme Pommes s'est tenue du 7 août au 5 septembre 2004
au Musée de la Gourmandise, dans la Ferme castrale d'Hermalle-sous-Huy.
Christian Otte est décédé à Liège
le lundi 12 septembre 2005.
BIBLIOGRAPHIE.
- Jacques Stiennon, « Les Arts plastiques », in Wallonie. Atouts et références d'une Région, Institut Jules Destrée, 1995.
- Jacques Henrard, « Tendresse pour la vie en vallée mosane », in Vers l'avenir, 5 aout 1997.